samedi 25 janvier 2014

Entretien avec Bernard Corbel le 9 mai 2013 sur LE MATIN «L’adulescence c’est de vivre une vie prolongée dans un état d’adolescence, bien qu’étant déjà adulte.»

Entretien avec Bernard Corbel le 9 mai 2013 sur LE MATIN «L’adulescence c’est de vivre une vie prolongée dans un état d’adolescence, bien qu’étant déjà adulte.»

Peut-on dire de l’adulescence que c’est une maladie ?
On ne peut certainement pas parler de maladie à propos du terme adulescence ou syndrome de Peter Pan. Cette dernière qualification montre qu’il s’agit plutôt d’un ensemble de caractéristiques et non pas d’une maladie. Le terme est valable particulièrement pour les sociétés occidentales qui ont engendré ce syndrome. Il s’agit, pour les personnes qui en sont touchées, de vivre une vie prolongée dans un état d’adolescence, bien qu’étant déjà adultes. La personne est narcissique, elle se fait plaisir à elle-même, et plutôt que d’être raisonnable, rationnelle et pragmatique, elle est rêveuse et n’assume pas ses responsabilités : à un âge avancé, elle joue à la PlayStation et lit des bandes dessinées, elle prolonge son rêve d’adolescence et cherche le plaisir. Elle peut se parer d’un piercing ou de quelques tatouages, le tout dans un look très à la mode chez les plus jeunes.


Comment expliquer ce phénomène ?
Le phénomène, c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler, semble être le produit d’une société de consommation qui vend de la jeunesse en tant que «produit» d’équilibre, de santé et à qui tout est offert moyennant argent, et à la fois d’une société qui a aboli le paternalisme, la figure paternelle étant symbole de castration de l’hédonisme et des loisirs pour renvoyer aux responsabilités et aux valeurs collectives. Peut-être que les adulescents sont les descendants du new-age et des années 1965-1970, années qui ont fait l’apologie d’un monde nouveau, basé sur l’amour et non pas la guerre, la liberté des comportements et la destitution de la figure paternelle, période également prospère qui permettait facilement le rêve et l’évasion.

Quels sont les symptômes classiques d’un adulescent ?
Les symptômes classiques de l’adulescence sont le manque de capacité à assumer ses responsabilités, se croire le centre du monde, au moins dans sa famille, et donc dispensé de se donner du mal pour réussir, le fait de se vêtir d’une façon excentrique, à la mode, mais décalée par rapport à sa représentation normale sociale et à sa tranche d’âge. Le fait de ne se soucier que du moyen de dépenser son argent en somptuosité plutôt que de la manière d’en gagner, de se soigner en apparence plus qu’il ne convient. Un autre symptôme est la procrastination ou l’art de se perdre dans des activités non productives et d’oublier celles qui le sont et qui sont donc prioritaires. Mais le pire est sans doute la grande difficulté à endosser le rôle de parent tant l’identification à l’adolescent est importante. En deux mots : médiocrité et allure grandiose.
Y a-t-il des personnes plus enclines que d’autres à succomber à ce syndrome ?
Sans doute que les personnes bien loties et qui ont donc beaucoup d’argent de famille à dépenser peuvent se retrouver plus facilement dans ce syndrome de Peter Pan ou d’adolescent éternel. Si le père est décédé ou absent, s’il y a une fortune à gérer, si l’enfance a laissé trop de frustrations et si l’adolescence en tant que crise positive n’a pas pu se dérouler normalement, alors la fuite dans l’imaginaire, l’irresponsabilité et les dépenses sans compter peuvent survenir avec cette possibilité de cultiver une image très ego centrée ainsi que le mythe de l’éternelle jeunesse.

Peut-on éviter à ses enfants de sombrer dans l’adulescence ?
Beaucoup d’adolescents sont concernés par le processus qui risque de les voir se stabiliser en adulescents. Plus le jeune rêve à la manière d’être et à la fois une star de cinéma, un superman, à cheval sur des motos puissantes ou pilotant des voitures rutilantes et hors de prix, plus il est sensible à l’achat de vêtements ultra à la mode, moins il sera efficace dans ses études et plus, bien sûr, il pourra avoir cette propension à rester toujours un enfant gâté qui se prend pour une étoile et à qui on ne refuse rien. L’adulescent s’offrira tous ses caprices.
Témoignages

Rabie
J’ai 22 ans et je dors toujours avec ma peluche, dès que j’ai du temps libre, je regarde des dessins animés qui me rappellent mon enfance. Je ressens en permanence cette nostalgie de mon enfance, je rêve de posséder à nouveau tous les jouets que j’avais et de pouvoir jouer avec mes voisins comme avant. J’aime bien porter des vêtements colorés à l’effigie de personnages de dessins animés. Je me sens bien dans cet univers enfantin, le monde des adultes et les responsabilités que ça implique me font un peu peur. J’ai besoin qu’on prenne soin de moi et qu’on s’occupe des responsabilités à ma place, moi je ne suis pas prêt pour ça !
Sabrina
Je trouve le monde des adultes cruel, la guerre, les manifestations, les problèmes de couple… J’ai 25 ans et je préfère manger des sucettes devant Secret Story plutôt que de m’occuper de tous ces problèmes. Je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir, je me sens bien comme ça. Je vis chez mes parents, je n’ai à me soucier de rien hormis de la couleur de la robe que je vais porter lors de ma prochaine soirée. Il m’arrive de travailler mais je ne tiens jamais longtemps, je préfère passez des heures à regarder les classiques de Disney pour la énième fois pour ensuite chanter à tue-tête les bandes originales avec mes copines.

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