dimanche 16 février 2014

Drôle de langage pour l'érotisme

(extrait d'une interview du Magazine illi du Novembre 2012)

1. Que pensez-vous de la qualification de "bon coup" attribuée à des partenaires sexuels ?

Cette expression argotique provient d'un langage de chasse, éventuellement militaire. Tirer un coup est le fait d'une arme. Par extension, le bon coup, est la femme ou l'homme qui méritent - d'après le locuteur - que l'on fasse l'amour avec, sous entendu "parce que je l'ai testé(e)". Il y a dans l'utilisation de cette expression une attitude haute et un certain mépris, une certaine effronterie et une manière de s'affirmer...
militairement comme un conquérant tout en reconnaissant à la victime un don particulier pour faire jouir. La première partie cachée de la signification n'est pas toujours perçue, chacun l'employant par mimétisme. Finalement si je suis qualifié de "bon coup" c'est que donc l'on m'attribue un don pour faire l'amour et pour procurer du plaisir, mais dans cette définition il y a l'idée restrictive "juste pour la baise", rien d'autre. Je suis en somme un parfait objet sexuel.


2.D'où vient la représentation du sexe comme performance ? 
 Quelles sont ses limites ?
 Pourquoi a t-on du mal à penser un rapport "réussi" autrement que comme un rapport où l'on jouit ?

La représentions du sexe comme performance provient de la masculinité, c'est elle qui a imposé sa représentation dans toutes les dimensions de la vie selon l'idéal masculin et donc aussi dans la question de l'amour. On peut lui  opposer l'érotisme et dire que le discours de la performance est opposé à celui de l'éros et que l'éros est surtout une question de féminité. Derrière le fait de crâner avec le discours de la masculinité dévoyée par l'exclusion du féminin, il y a l'idée omniprésente que "tout s'achète" : on trouvera toujours à vous vendre de la performance sous forme de produits ou de services quelque soit le domaine. Le sexe est vraiment  dégradé dans la représentation d'une une performance sportive dont l'illustration est typique dans le film porno de base. A notre avis, le sexe s'anoblirait  dans une représentation de l'intime, du caché, du flou, de l'immersion dans un univers de sensations infinies de don réciproque et de paix.

Faute de représentation adaptée, on peut, en effet, avoir du mal à se représenter la réussite du rapport sexuel autrement que comme un rapport où l'on doit jouir sinon c'est raté. Dans le discours de la performance, on est binaire : c'est réussi ou non, et si oui ou est l'orgasme ? Dans la représentation traditionnelle, l'orgasme est au masculin, pour la  femme, on l'ampute de cette capacité, et d'une façon encore plus archaïque on la mutile car son plaisir à elle est particulièrement mauvais, c'est hachouma. 

3. La compatibilité des partenaires est-elle déterminante pour un bon rapport ?
    Comment définir cette compatibilité ? Peut-elle être complètement naturelle ? D'où vient-elle ?

Tout un chacun s'accorde à penser qu'il doit y avoir une alchimie, on  pourrait dire une biologie de la rencontre. En fait, elle est le produit de facteurs qui doivent concorder. Cette concordance échappe à la conscience des protagonistes et s'impose, ce qui lui donne un caractère miraculeux au travers du coup de foudre. Parmi les facteurs en présence, comme le moment dans la vie, le lieux, les gens, le facteur culturel, nous y ajoutons le facteur imaginaire comme essentiel. En fait, une grande partie de l'attraction repose sur des facteurs auto-érotiques de sorte que ce n'est plus "ce que le partenaire est" qui me fait jouir, mais "ce que je crois qu'il est". Si on bande les yeux d'une personne et qu'on l'amène dans une rêverie érotique, on pourra la faire jouir intensément avec un partenaire lambda qui n'a rien à voir avec le réel au-delà du bandeau ! En boite de nuit vous pouvez être victime de la même rêverie, finir la nuit avec un(e) partenaire et avoir un choc au réveil malgré une nuit de rêve. Alors la compatibilité, dans ce cas, est de l'ordre de la rêverie et de l'imaginaire, du reste, ne dit-on pas de l'amoureux qu'il est aveugle et inversement ne croit-t-on pas que le retour à la réalité peut être décevant ? À noter que cette théorie de l'imaginaire ne s'oppose pas du tout à une théorie biologique de sécrétion d'hormones et de phéromones qui seraient, selon nous, produites par la transe et non l'inverse. Certainement, il reste que des personnes possèdent des caractéristiques érotiques universelles dans une culture donnée, et que ces personnes sont alors qualifiées de bombes sexuelles, tient, nous revoilà dans un discours militaire !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire